Le nombre de Froude : Fn = V / √ (L × g)

Appliqué à un navire, la connaissance du nombre de Froude est fondamentale lorsqu'on veut comparer les performances de deux navires, notamment la vitesse atteinte pour une force de propulsion donnée, qui dépend de la résistance qu'oppose l'eau aux déplacement de ceux-ci:
V est la vitesse, en ms-1
L est la longueur, en m
g est la valeur de l'accélération de la pesanteur (≈ 9,8 ms-2)

Petit rappel sur les unités

On exprime d'ordinaire la vitesse d'un navire en noeuds, dont le symbole courant en France est nd (plutôt que kn ou kt, de l'anglais knot).
Par définition 1 nd = 1 mille marin / h (on dit aussi mille nautique, mais c'est un anglicisme de nautical mile, ou même simplement nautique en aéronautique). Le symbole courant du mille marin est M (et non NM).
Par convention internationale, 1 nd = 1 M / h = 1,852 km / h. Un noeud vaut donc 1852/3600 = 0,5144... m/s. On peut arrondir à 0,5 m / s, c'est-à-dire 2 nds ≈ 1 m / s
1852 m est la valeur (approchée) d'une minute d'angle (1') sur la circonférence terrestre: Avec une circonférence de 40 000 km pour 360° (= 21600' = 360*60'), 1' = 40 000 km/ 21 600 = 1,85185... km.

Une masse s'exprime en kilogrammes (symbole : kg). C'est la mesure d'une certaine quantité de matière.
Le poids d'un corps est une force, c'est-à-dire le produit d'une masse par une accélération. A la surface de la terre, le poids d'un corps est donc le produit de sa masse m par l'accélération de la pesanteur g (environ ≈ 9,8 ms -2)
En physique, l'unité de poids est le newton (symbole N). Un N est le poids d'une masse de 1 kg soumise à une accélération de 1 ms-2.
Chez l'épicier, l'unité de poids est le "kilo", le poids d'une masse de 1 kg à la surface de la terre, qui vaut 9,8... N, ou environ 10 N

La densité ρ d'un corps est sa masse divisée par son volume : ρ = masse / volume (unité : kg m-3)

D'où vient le nombre de Froude ?

Le nombre de Froude apparaît quand on établit le rapport entre deux forces particulières, la résistance qu'oppose l'eau au mouvement d'un bateau, et le poids (ou déplacement) de ce bateau
• Plus précisément, on va montrer qu'il est intéressant d'établir une relation de proportionnalité entre la force résistive dite de vague RW ( wave resistance) qui s'exerce sur un navire naviguant à la surface de l'eau, et une autre force, le poids D de ce navire.
Le poids d'un navire est appelé déplacement, car le principe d'Archimède dit que le poids du volume d'eau déplacé par un objet plongé dans l'eau est égal à son poids.
Symboliquement, on s'intéresse donc à la relation RW / D = k (ou, bien sûr, RW = k ‧ D) où k est une constante de proportionnalité.

NB : RW est aussi appelée résistance résiduaire (notée RR). Elle est en effet mesurée expérimentalement comme la différence entre la résistance totale à l'avancement Rt (mesurée) et la résistance de frottement Rf entre la partie de la coque immergée et l'eau (calculée empiriquement à partir de la 'surface mouillée' de la coque) : RR = Rt - Rf

Nous allons maintenant établir l'origine du nombre de Froude.

Nous présenterons successivement plusieurs approches (mais seule la lecture de la première est indispensable).

Considérons une barge parallélépipédique (un navire en forme de boîte à chaussures) de longueur L, de largeur (ou bau) B et dont le fond, supposé plat, est à une hauteur H sous la surface de l'eau : H est donc le tirant d'eau (Fig. 1).
NB : cette présentation tire son inspiration de http://www.ensc.sfu.ca/people/faculty/jones/ENSC100/Unit3/lecture3a.html
FroudeNumber3
Fig. 1
Le volume v d'eau déplacé est L×B×H.
Si ρ est la densité de l'eau et g l'accélération de la pesanteur, la masse d'eau déplacée m est m = v×ρ = ρ×L×B×H
et le déplacement D est D = m×g = ρ×L×B×H×g.
Lorsque cette barge navigue à une vitesse V, elle parcourt, en T unités de temps, une distance X = V×T.
Supposons ce navire immobile, dans un courant de vitesse V, ce qui est physiquement équivalent à une navire animé d'une vitesse V dans une eau immobile.
Très grossièrement, on peut considérer qu'un certain volume d'eau v' est stoppé par le navire en T unités de temps (hypothèse équivalente à celle d'une collision inélastique, sans rebond).
Ce volume v' est égal à B×H×X = B×H×V×T
La masse m' correspondante est ρ×B×H×V×T.
La vitesse de cette masse d'eau m' passe d'une vitesse V à une vitesse nulle en T unités de temps, subissant donc une accélération (ici une décélération) A = V / T.
La force correspondante RW = m’ A vaut donc ρ×B×H×V×T×V / T = ρ×B×H×V2
Le rapport entre la résistance de vague RW et le déplacement D est donc
RW / D = ρ×B×H×V2 / ρ×L×B×H×g = V2 / (L×g)

On vient donc d'établir que la résistance de vague RW est liée au déplacement D par la relation (1)
      (1) RW = (V2 / (L×g)) × D
RW et D étant des forces, V2 / (L×g) = C ne peut être qu'un coefficient de proportionnalité, et doit donc être un nombre sans dimension, ce qu'on vérifie facilement: les dimensions de ce coefficient sont (L2 T-2) (L-1)(L -1 T2) = L0 T-0 = 1

La racine carrée de nombre (sans dimension) C, √C = V / √ (L × g) , est appelé nombre de Froude Fn

L'intérêt de cette formule n'est pas dans la valeur numérique du coefficient de proportionnalité C entre le résistance de vague et le déplacement, les hypothèses étant bien trop simplistes: la surestimation peut dépasser un ordre de grandeur (cf ci-dessous)

Mais l'expérience confirme que si deux navires de même forme et de longueur L1 et L2 naviguent à des vitesses V1 et V2 telles que leur nombre de Froude soit égal, c'est-à-dire si
    V1/ √( L1×g) = V2 / √(L2×g)
ou encore si
    V1 = V2 √(L1 / L2)
ils subissent le même pourcentage de résistance de vague (RW) relativement à leur déplacement :
    RW1 / D1 = RW2/ D2

C'est la validité de cette relation qui permet l'étude de la résistance de vague sur des maquettes tractées dans un bassin de carène : si, par exemple, une maquette de cargo mesurant 1 m de long est tractée à 2 m / s (environ 1 N), le rapport RW / D mesuré sur cette maquette correspond à celui du cargo réel de même forme de 100 m de long à 20 N. (En effet, on a bien 2 = 20/√(1/100) = 20*1/10)

D'après la relation (1) la résistance de vague est proportionelle au carré de la vitesse : si cette résistance vaut 1 à 1 nd, elle vaudra 4 à 2 nds, 8 à 3 nds, ... , 256 à 8 nds...
La résistance de vague croît donc rapidement avec la vitesse. L'expérience montre que cette relation n'est (approximativement) exacte que lorsque la coque du bateau ne déjauge pas (donc en l'absence du phénomène de planning, bien visible dans le cas des hors-bords rapides)

La figure 2 illustre la correspondance entre vitesse (en nds) et nombre de Froude Fn = V / √(L × g) pour des voiliers de 8, 10 et 12 m à la flottaison.
Plus le bateau est long, plus le nombre de Froude est faible pour une même vitesse.
GraphFroude1
Fig. 2

On peut également introduire le nombre de Froude en considérant la force exercée par le flux d'eau sur l'étrave d'un navire (La lecture de ce paragraphe n'est pas nécessaire pour comprendre la suite).

Calculons d'abord la force f exercée par une particule m de masse m rebondissant sur un plan P de surface A. La trajectoire de cette particule fait un angle θ avec la
    normale (= perpendiculaire) au plan P, avant et après le rebond. La vitesse de la particule, dont la magnitude est supposée constante, est V avant le rebond et V' ensuite :
    elle est orientée dans la direction de la trajectoire (Fig. 2)
                            FoundeNumber1
                                        Fig. 2                                Fig. 3
    Il est géométriquement clair (Fig. 3) que la magnitude de la variation de la vitesse ΔV = V' - V est égale à 2·V·cos θ.
    Par unité de temps (Δt = 1) la magnitude de la force f = m·ΔV / Δt  exercée sur la surface vaut 2·m·V·cos θ.
    Par unité de temps et de masse, cette force f  vaut
        f = 2·V·cos θ
    Notons que f tend à s'annuler lorque la trajectoire de la particule devient parallèle à la surface.
    Considérons maintenant un ensemble de particules de même vitesse et de direction parallèle à m. En une unité de temps, toutes ces particules parcourent une
    distance x = v·Δt = v. Donc toutes celles qui se trouvent dans le volume grisé de la figure 4 (dont la base vaut A et le troisième côté V)  heurterons la surface A.
                        FroudeNumber2
                                    Fig. 4

    Ce volume vaut A·h = A·V·cos θ.
    Si la densité résultant de la présence des particules est ρ, la masse totale M des particules heurtant la surface A est ρ·A·V·cos θ.
    Par unité de temps, la  magnitude de la force exercée est F = M·f = 2·V·cos θ·ρ·A·V·cos θ , soit
        F
= 2·ρ·cos² θ··A

    NB : Cette formule permet théoriquement d'estimer ( par exemple) la force exercée par le vent sur une voile. Mais comme une voile n'est jamais plane, il faut, pour un résultat précis, la découper en un
    grand nombre de petites surfaces possédant chacune sa propre valeur θ. Malheureusement, la présence de deux voiles (génois et grand-voile par exemple) modifie θ d'une manière difficilement
    prévisible, d'où en pratique la nécessité d'études expérimentales en soufflerie.


    •
Soit un navire dont l'étrave à la forme triangulaire et les dimensions données à la figure 5.
                    FroudeNumber4
                                            Fig. 5
    Si H est le tirant d'eau, et l la longueur d'un côté de l'étrave, la surface A vaut H·l.
    La force exercée sur les deux parties de l'étrave est F = 2·2·ρ·cos² θ··A = 4·ρ·cos² θ··H·l
    Or on a B = 2·l·cos θ, d'où F = 2·ρ·cos θ··H·B
    L'aire de l'étrave est 1/2 B l sin θ, et son volume est  1/2 B H l sin θ
    Le volume total du navire est BH (L + 1/2 l sin θ) et son déplacement ρ g BH (L + 1/2 l sin θ)
    Le rapport R entre RW et D est
2 ρ cos θ V² H B / ρ g BH (L + 1/2 l sin θ) = 2 cos θ V² g (L + 1/2 l sin θ).
    Dans le cas d'une barge,
θ = 0, et R = 2 V² g L = 2 Fn² = 2 C

    • Ce coefficient est voisin du double de celui calculé précédemment, car les particules de fluide sont supposées rebondir (hypothèse de la collision élastique) et non être stoppées
    au contact de l'étrave. 
    Pour  l << L, 1/2 l sin θ peut être négligé, et avec une étrave "pincée" c'est à dire θ grand, cos θ est petit et le rapport R peut devenir inférieur à C = Fn²


    On peut enfin retrouver facilement le nombre de Froude par le raisonnement rapide suivant (A nouveau, ce paragraphe n'est pas essentiel à la compréhesion de la suite) :
    En une unité de temps (Δt = 1), une barge de largeur B et de tirant d'eau H se mouvant à une vitesse V va avancer d'une distance Δx = V×Δt = V. Elle va communiquer
    au volume d'eau devant elle une vitesse V : ce volume est V×B×H, et sa masse est ρ×V×B×H. En une unité de temps, cette masse d'eau subira donc une accélération V / Δt = V. 
    La force F requise est donc égale à ρ×V² ×B×H.
    Si la longueur de la barge est L, son déplacement vaut ρ×g×B×H×L
    Le rapport R entre la force et le déplacement est donc ρ×V² ×B×H / ρ×g×B×H×L = V² / g×L = C


    Quelques exemples

    Graphiquement, on présente toujours le rapport  résistance de vague / déplacement  (RW / D)  en fonction du nombre de Froude.

                YD
                                        Fig. 6 in Principles of Yacht  Design, Larsson & Eliasson 2000 : Rw est noté ici RR / g.m

    • Pour le yacht modèle de Larsson et Eliasson, le graphique ci-dessus donne le coefficient expérimental RW / D en fonction du nombre de Froude. Ce coefficient vaut
    par exemple 0,022 à Fn = 0,4. (On remarquera que Fn2vaut 0,16, soit 7.2 fois plus que le coefficient mesuré expérimentalement).
    Pour ce yacht d'environ 10 m à la flottaison et d'un déplacement de 8 tonnes, la résistance de vague est donc d'environ 180 kilos (2,2% de 8000 kg) à 8 noeuds (Fn = 0.4).
    C'est la vitesse de carène, celle à laquelle la vague crée par le déplacement a pour longueur celle du bateau (10 m). La force crée par le vent dans les voiles doit compenser
    cette résistance (ainsi que celle du frottement de la coque dans l'eau) pour atteindre cette vitesse.


    Les exemples qui suivent concernent les cargos.
    Dans la littérature technique, le coefficient de bloc d'un navire CB est employé pour caractériser la forme générale d'un cargo. C'est le rapport entre le volume immergé et le
    volume du parallélépipède L×B×H. Dans notre dérivation ci-dessus, CB = 1.
    NB : ne pas confondre 
CB avec  le coefficient prismatique Cp (prismatic coefficient), qui est le rapport  volume immergé / L×SB (où SB est la surface de la plus grande
    'tranche' du navire (perpendiculairement à la longueur) ou maître-couple)

    • Pour des nombres de Froude faibles, Fn2 est un très mauvais prédicteur de Rw / D.
    Des essais en bassin de carène (rapportés par Paulet & Presles 1998 p. 277) sur des barges mal profilées (Cde 0,83) donnent un rapport mesuré
    RW / D = 0,0007 à un vitesse correspondant à Fn = 0,15, alors que la valeur Fn2 vaut 0,0225, soit 32 fois plus.
    • Une autre étude sur une coque de cargo ayant un CB de 0,85 donne un coefficient de 0,00084 à Fn =  0,18, alors que Fn2 vaut 0,0324, 38 fois plus.
    L'accord est un peu meilleur pour des vitesses plus grandes: à Fn = 0,21, RW / D = 0,002 et Fn2 vaut 0,0441, soit 22 fois plus.

    •  Pour un navire de la série (ancienne) de Taylor caractérisé par L/B = 7 et B/H = 3,75 avec CB = 0,80, on a mesuré RW / D = 0,00518 à Fn = 0,24 :  Fn2 vaut 0,0576,
    soit 11 fois plus.

           Taylor1

                    Fig 2 Formes de carène de la série de Taylor (http://www.nauticalweb.com/superyacht/490/tecnica/bottom.htm)

            Taylor2
                    Fig 3: Coefficients de RR pour un cargo de rapport B/H = 2.25 et coefficient prismatique Cp = 0.82
                    (http://www.nauticalweb.com/superyacht/490/tecnica/bottom.htm)
                    Les différentes courbes correspondent à des rapports (Volume / L3) variant de 1 à 7

            T

                            Fig 4 : identique à la Fig 3, avec B/H = 3.0  et Cp = 0.70

    • Pour un cargo de la série (plus récente) de Holtrop-Mennen caractérisé par L/B = 4 et B/H = 2 avec CB = 0,60, on à  RW / D = 0,021 à Fn = 0,40 :  
    Fn2 vaut 0,16, soit 7,6 fois plus.
    (On remarquera que le yacht de Larsson et Eliasson et ce cargo ont le même le même rapport RW / D pour Fn = 0,4 !)

    • On peut montrer que pour Fn > 0.45, RW / D tend vers V6  (j'avoue que je sais pas comment :-((( ) 

    • En conclusion, il est clair que les hypothèses simplistes ci-dessus conduisent à surévaluer le rapport RW / D  d'un facteur 7 à 30 si on l'estime par V2 / (L*g).

    Il FAUT donc des mesures expérimentales en bassin de carène
.


    Ce qui suit est une présentation plus moderne du nombre de Froude par analyse dimensionelle. Mais l'application de l'analyse dimensionelle suppose que l'on connaisse
    (ou que l'on ait deviné!) les dimensions pertinentes du problème. D'où l'intérêt (au moins pédagogique) des présentations précédentes...
    A nouveau, la lecture de ce paragraphe n'est pas indispensable, mais les remarques qui suivent cette présentations sont intéressantes.

  Etablissement du nombre de Froude par analyse dimensionnelle.

    De ces analyses préliminaires, on peut déduire que la résistance totale R d'un navire est fonction d'une dimension caractéristique de longueur L, de la vitesse V, de la densité ρ
    et de la gravité g, d'où, dimensionnellement
            R = f [La Vb ρc gd]
    Dimensionnellement, il est clair que les dimensions B et H utilisées ci-dessus sont (en première approximation) des fonctions de L.
    Comme, en termes de dimensions
        R  = M L / T2
        L =  L
        V = L / T
        ρ = M / L3
        g =  L / T2
    on a 
        L1 = La  Lb L-3c Ld         d'où 1 = a + b - 3c + d
        M1 = Mc                         d'où c = 1
        T-2 = T-b T-2d                  d'où  - 2 = -b - 2d  c'est-à-dire b = 2 - 2d
    On en déduit 1 = a + 2 - 2d - 3 + d, c'est-à-dire a = 2 + d
    Dimensionnellement donc
        R  =  f[L2+d V2-2d ρ gd] =  f[L2 Ld V2 V-2d ρ gd] = ρ V2 L2 f (L g / V2) ou encore
        R / ρ V2 L2   f (L g / V2)

    ce qu'on écrit souvent (la facteur 1/2 par simple analogie avec l'expression de l'énergie cinétique)
            R = (1/2) ρ V2 L2  f (L g / V2)

    R est donc une fonction (de l'inverse du carré) du nombre adimensionnel de Froude.
   
Le rapport R / (1/2) ρ V2 L2 = f (L g / V2)  est souvent appelé coefficient de traînée Cd (drag coefficient) et présenté en fonction du nombre de Froude.
    La fonction f est inconnue et doit être établie expérimentalement
   
Voici un exemple qui concerne une maquette à l'échelle moitié d'un Dehler 33: Les cercles roses sont les résultats expérimentaux en bassin de carène, les courbes étant les
    prévisions établies par différents modèles empiriques. L'intuition de Froude, sans faire appel, à l'analyse dimensionnelle, a été de considérer la résistance totale comme
    la somme de la résistance de friction (en rouge sur la figure ci-dessous, proportionnelle à la quantité (1/2) ρ V2 L2, qui a la dimension d'une force (M L T-2),
    et de la résistance de vague RW

       Pic/DragCoeff.jpg

       http://www.boatdesign.net/forums/attachments/hydrodynamics-aerodynamics/59629d1312838994-delft-series-resistance-equations-variety-dehler33.pdf


    Est-il utile de déterminer l'équation de la fonction f à partir des données expérimentales ? Non, ce n'est guère utile, et voici pourquoi.
    Il n'y a pas (à ma connaissance) de manière théorique d'établir la fonction de résistance de vague d'un navire dans le cas général (la théorie de Michell ne s'applique
    qu'à des formes de coque très fines, L/B > 6).
    On sait simplement que c'est une fonction du nombre de Froude. Cela exige donc d'
établir expérimentalement sur un modèle, en bassin de carène, les valeurs de cette
    résistance pour les vitesses pertinentes. La fonction f va donc être spécifique à un bateau particulier.

    Les travaux expérimentaux de Delft

    J. Gerritsma et ses collaborateurs de l'Université de Technologie de Delft aux Pays-Bas ont publié à partir de 1970 les résultats d'une modélisation d'essais en bassin de
    carène concernant la résistance de vague de yachts de formes différentes pour des nombres de Froude variant de 0.125 à 0.450.
    Les paramètres pertinents de cette modélisation sont :
    - la longueur à la flottaison                                 L
    - le déplacement                                                D
    - le maître-bau à la flottaison                              B
    - le tirant d'eau de la coque                                Tc
    - le coefficient prismatique                                 Cp
    - la position longitudinale du centre de flottaison LCB (en %, à partir du milieu du navire, positif vers l'avant)
    - g : l'accélération de la pesanteur
    - M : la masse du bateau

    Une équation de la forme
    Rw / (g *M) = a0 +  a1 Cp +  a2 LCB +  a3 B / Tc +  a4 L / D1/3 +  a5 Cp2 +  a6 Cp L /
D1/3 +  a7 LCB2 + a8 (L / D1/3)2 + a9 (L / D1/3)3
    avec 10 coefficients numérique fonctions du nombre de Froude donne directement la résistance de vague.
    Par exemple, pour F= 0.350,ces coefficients sont

            Fn                
a0                                  a1                                         a2                                         a3                                      a4
                                          
 a5                                  a6                                         a7                               a8                                     a9
       Coeff

    (Larsson & Eliasson 2000, p. 75; l'ensemble de ces données est disponible ici.


    On peut bien sûr établir l'équation f à partir de ce type de relations pour un bateau particulier, mais il ne s'agit là que d'un 'résumé' dérivé de valeurs numériques.
    J'ai établi, à titre exemple, le graphe vitesse (en nds) / résistance de vague (en kilos) pour le yacht modèle YD-40 de Larsson & Eliasson.

            Relation

    Selon mon analyse, la fonction f est bien approximée par une équation de la forme Rw = a (1 - e(-b*vitesse)), où a et b sont des coefficients (-0.16275 et -0.895 dans cet exemple)
    On remarque de légers 'creux' et 'bosses' (vers 5 nds et 7 nds) dans les valeurs expérimentales  relativement à la fonction, qui traduisent l'interaction avec le système de
    vagues créé par le déplacement (cf. http://www.finot.com/ecrits/vitessecoq/chap1/chap1.htm, ou  http://www.nauticalweb.com/superyacht/490/tecnica/bottom.htm)


    Un peu d'histoire : la 'loi (expérimentale) des comparaisons' de Froude (vers 1870)

    C'est à partir d'un grand nombre d'expérimentations dans le premier bassin de carène construit par lui que Froude (qui prononçait son nom 'froud', comme l'anglais 'root') a
     établi sa 'loi (expérimentale) des comparaisons' vers 1870. 
    Avant de la donner, rappelons les relations suivantes
    Considérons deux navires géométriquement semblables, l'un de longueur L1 et l'autre de longueur L2.
    Le rapport des résistances de vague Rw1  / Rw2 vaut ρ V12 L12 f (L1 g / V12 ) / ρ V2L22 f (L2 g / V22)
    La fonction f est inconnue, mais si L1 g / V12 = L2 g / V22 c'est à dire si le nombre de Froude est le même, f aura la même valeur
    On aura donc dans ce cas Rw1  / Rw2  = ρ V12 L12 / ρ V2L22
    Comme L1 / V12 = L2 / V22 c'est-à-dire L1 / L2  = V12 / V22 , le rapport peut s'écrire (avec Δ notant le volume immergé)
        Rw1  / Rw2  = ρ L13 / ρ L23  = L13 L23 Δ1  / Δ2

    Crucialement donc, la relation de Rw1  / Rw2  à L1 / L2 (ou  Δ1  / Δ2) est vraie si  L1 / L2  = V12 / V22  (ou bien sûr V1 / V2 =  √L1 / √L2 )

    Voici comment Froude a exprimé sa 'loi des comparaisons' en toutes lettres, sans formule...
    The wave-making resistance of similar-shaped models varies as the cube of their dimensions if their speeds are as the square root of their dimensions
    La résistance de vague de modèles de forme similaire varie comme le cube de leurs dimensions si les vitesses sont proportionnelles à la racine carrée de leurs dimensions.

    En d'autres termes

    If the models are run at speeds proportional to the square root of their length, then the resistance would be proportional to their
    immersed volume

    Si les modèles sont tirés à des vitesses proportionnelles à la racine carrée de la longueur, alors la résistance est proportionnelle à leurs volumes immergés.

    A la place du nombre de Froude, les travaux anciens utilisent le rapport vitesse / longueur (V/√L) (en anglais le 'speed-length ratio') qui n'est pas un nombre adimensionnel.
    Dans le système MKS, ce rapport est 3,13 (= √g) fois plus grand que le nombre de Froude (cf fig. 3).


    On trouvera ici une collection d'articles scientifiques par William Froude
    http://ia700307.us.archive.org/0/items/resistanceships00frougoog/resistanceships00frougoog.pdf

    Pour la biographie de William Froude, et quelques photos, voir
    http://www.btinternet.com/~philipr/froude.htm 
    http://www.cartage.org.lb/en/themes/Biographies/MainBiographies/F/Froude/1.html
    http://www.brlsi.org/proceed1998/desarch210998.htm
    http://en.wikipedia.org/wiki/William_Froude
    http://www.makingthemodernworld.org.uk/icons_of_invention/science/1820-1880/IC.050/
    http://en.wikipedia.org/wiki/Froude_number


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    version 0.7 : 01/07/2014 à 11h35