Appliqué à un navire, la connaissance du nombre de Froude est fondamentale lorsqu'on veut
comparer les performances de deux navires, notamment la vitesse atteinte pour une force
de propulsion donnée, qui dépend de la résistance qu'oppose l'eau aux déplacement de ceux-ci:
V est la vitesse, en ms-1
L est la longueur, en m
g est la valeur de l'accélération de la pesanteur (≈ 9,8 ms-2)
Petit rappel sur les unités
On exprime d'ordinaire la vitesse d'un navire en noeuds, dont le
symbole courant en France est nd (plutôt
que kn ou kt, de l'anglais
knot).
Par définition 1 nd = 1 mille marin / h (on
dit aussi mille nautique, mais c'est un anglicisme de nautical mile, ou
même simplement nautique en aéronautique).
Le symbole courant du mille marin est M (et non NM).
Par convention internationale, 1 nd = 1 M / h = 1,852 km / h.
Un noeud vaut donc 1852/3600 = 0,5144... m/s. On peut arrondir à 0,5 m / s,
c'est-à-dire 2 nds ≈ 1 m / s
1852 m est la valeur (approchée) d'une minute d'angle (1') sur la circonférence terrestre:
Avec une circonférence de 40 000 km pour 360° (= 21600' = 360*60'), 1' = 40 000 km/ 21
600 = 1,85185... km.
Une masse s'exprime en kilogrammes (symbole : kg). C'est la mesure
d'une certaine quantité de matière.
Le poids d'un corps est une force, c'est-à-dire le produit d'une
masse par une accélération. A la surface de la terre, le poids d'un corps est
donc le produit de sa masse m par l'accélération de la pesanteur g
(environ ≈ 9,8 ms -2)
En physique, l'unité de poids est le newton (symbole N). Un N est le poids d'une
masse de 1 kg soumise à une accélération de 1
ms-2.
Chez l'épicier, l'unité de poids est le "kilo", le poids d'une masse de 1 kg
à la surface de la terre, qui vaut 9,8... N, ou environ 10 N
La densité ρ d'un corps est sa masse divisée par son volume : ρ = masse / volume
(unité : kg m-3)
D'où vient le nombre de Froude ?
Le nombre de Froude apparaît quand on établit le rapport entre deux forces
particulières, la résistance qu'oppose l'eau au mouvement d'un bateau,
et le poids (ou déplacement) de ce bateau
• Plus précisément, on va montrer qu'il est intéressant d'établir une relation
de proportionnalité entre la force
résistive dite de vague RW
( wave resistance) qui s'exerce sur un navire naviguant à la surface de l'eau,
et une autre force, le poids D de ce navire.
Le poids d'un navire est appelé déplacement, car le principe d'Archimède dit que
le poids du volume d'eau déplacé par un objet plongé dans l'eau est égal à son poids.
Symboliquement, on s'intéresse donc à la relation RW / D = k (ou, bien sûr, RW
= k ‧ D) où k est une constante de proportionnalité.
NB : RW est aussi appelée résistance résiduaire (notée RR). Elle est en effet
mesurée expérimentalement comme la différence entre la résistance totale à l'avancement Rt
(mesurée) et la résistance de frottement Rf entre la partie de la coque
immergée et l'eau (calculée empiriquement à partir de la 'surface mouillée' de la coque) : RR
= Rt
- Rf
Nous
allons maintenant établir l'origine du nombre de Froude.
Nous présenterons successivement plusieurs approches (mais seule la lecture de la première est indispensable).
Considérons une barge parallélépipédique (un navire en forme de boîte à chaussures)
de longueur L, de largeur (ou bau) B et dont le fond, supposé plat, est à une hauteur
H sous la surface de l'eau : H est donc le tirant d'eau (Fig. 1).
NB : cette présentation tire son inspiration de
http://www.ensc.sfu.ca/people/faculty/jones/ENSC100/Unit3/lecture3a.html
Fig. 1
Le volume v d'eau déplacé est L×B×H.
Si ρ est la densité de
l'eau et g l'accélération de la pesanteur, la masse d'eau déplacée m est
m = v×ρ = ρ×L×B×H
et le déplacement D est D = m×g = ρ×L×B×H×g.
Lorsque cette barge navigue à une vitesse V, elle parcourt, en T unités de temps, une
distance X = V×T.
Supposons ce navire immobile, dans un courant de vitesse V, ce qui est physiquement
équivalent à une navire animé d'une vitesse V dans une eau immobile. Très grossièrement, on peut considérer qu'un certain volume d'eau
v' est stoppé par le navire en T unités de temps (hypothèse équivalente à celle
d'une
collision inélastique, sans rebond).
Ce volume v' est égal à B×H×X = B×H×V×T
La masse m' correspondante est ρ×B×H×V×T.
La vitesse de cette masse d'eau m' passe d'une vitesse V à une vitesse nulle en T unités de
temps, subissant donc une accélération (ici une décélération) A = V / T.
La force correspondante RW = m’ A vaut donc ρ×B×H×V×T×V / T =
ρ×B×H×V2
Le rapport entre la résistance de vague RW et le déplacement D est donc
RW / D = ρ×B×H×V2 / ρ×L×B×H×g = V2 / (L×g)
On vient donc d'établir que la résistance de vague RW
est
liée au déplacement D par la relation (1)
(1) RW = (V2 /
(L×g)) × D
RW et D étant des forces, V2 / (L×g) = C ne peut être qu'un
coefficient de proportionnalité, et doit donc être un nombre sans dimension, ce qu'on
vérifie facilement: les dimensions de ce coefficient sont (L2
T-2) (L-1)(L -1 T2)
= L0 T-0 = 1
La racine carrée de nombre (sans dimension) C, √C = V / √ (L × g), est
appelé
nombre de Froude Fn
• L'intérêt de cette formule n'est pas dans la valeur numérique du coefficient
de proportionnalité C entre le résistance de vague et le déplacement, les hypothèses étant
bien trop simplistes: la surestimation peut dépasser un ordre de grandeur (cf ci-dessous)
• Mais
l'expérience confirme que si deux navires de même forme et de longueur L1
et L2 naviguent à des vitesses V1 et V2 telles
que leur nombre de Froude soit égal, c'est-à-dire si
V1/ √( L1×g) = V2
/ √(L2×g)
ou encore si V1 = V2 √(L1 / L2)
ils subissent le même pourcentage de résistance de vague (RW) relativement à leur
déplacement : RW1 / D1 = RW2/ D2
C'est la validité de cette relation qui permet l'étude de la résistance de vague sur des maquettes tractées dans un bassin de
carène : si, par exemple, une maquette de cargo mesurant 1 m de long est tractée à 2 m / s
(environ 1 N), le rapport RW / D mesuré sur cette maquette correspond à celui du cargo réel de même forme de
100 m de long à 20 N. (En effet, on a bien 2 = 20/√(1/100) = 20*1/10)
D'après la relation (1) la résistance de vague est proportionelle au carré de la vitesse
: si cette résistance vaut 1 à 1 nd, elle vaudra 4 à 2 nds, 8 à 3 nds, ... , 256 à 8 nds...
La résistance de vague croît donc rapidement avec la vitesse. L'expérience montre que
cette relation n'est (approximativement) exacte que lorsque la coque du bateau ne
déjauge pas (donc en l'absence du phénomène de planning, bien visible dans le cas des hors-bords rapides)
• La figure 2 illustre la correspondance entre vitesse (en nds)
et nombre de Froude Fn =
V / √(L × g) pour des voiliers de 8, 10 et 12 m à la flottaison.
Plus le bateau est long, plus le nombre de Froude est faible pour une même vitesse.
Fig. 2
On peut également introduire le nombre de Froude en considérant la force exercée par le flux
d'eau sur l'étrave d'un navire (La lecture de ce paragraphe n'est pas nécessaire pour
comprendre la suite).
• Calculons d'abord la force f
exercée par une particule m de masse m rebondissant sur un plan P de
surface A. La trajectoire de cette particule fait
un angle θ
avec la
normale (= perpendiculaire) au plan P, avant et
après le
rebond. La vitesse de
la particule, dont la magnitude est supposée constante, est V avant le rebond et
V' ensuite :
elle est orientée dans la direction de la
trajectoire (Fig. 2)
Fig. 2
Fig. 3
Il est géométriquement
clair (Fig. 3) que la
magnitude de la variation de la vitesse ΔV = V' - V est égale
à 2·V·cos θ.
Par unité de temps (Δt = 1) la magnitude de la force
f
= m·ΔV / Δt exercée sur la surface vaut 2·m·V·cos θ.
Par unité de temps et de masse, cette force f vaut f
= 2·V·cos θ
Notons que f
tend à s'annuler lorque la
trajectoire de la particule devient
parallèle à la surface.
Considérons maintenant un ensemble
de particules de même vitesse et de direction parallèle à m. En une
unité de temps, toutes ces particules parcourent une
distance x
= v·Δt = v. Donc toutes celles qui se trouvent dans le volume
grisé de la figure 4 (dont la base vaut A et le troisième côté
V) heurterons la surface A.
Fig. 4
Ce
volume vaut A·h = A·V·cos θ.
Si la densité résultant de la
présence des particules est ρ, la
masse totale M des particules heurtant la surface A est ρ·A·V·cos θ.
Par
unité de temps, la magnitude de la force exercée est
F = M·f = 2·V·cos θ·ρ·A·V·cos θ , soit
F = 2·ρ·cos² θ·V²·A
NB
: Cette formule permet théoriquement d'estimer ( par exemple) la force
exercée par le vent sur une
voile. Mais comme une voile n'est jamais plane, il faut, pour un
résultat précis, la découper en un
grand nombre de petites surfaces
possédant chacune sa propre valeur θ. Malheureusement, la présence de
deux voiles (génois et grand-voile par exemple) modifie θ d'une manière
difficilement
prévisible, d'où en
pratique la nécessité d'études expérimentales en soufflerie.
• Soit
un navire dont l'étrave à la forme triangulaire et les dimensions
données à la figure 5.
Fig. 5
Si H est le tirant
d'eau, et l la longueur d'un côté de l'étrave, la surface A vaut H·l.
La
force exercée sur les deux parties de l'étrave est F = 2·2·ρ·cos² θ·V²·A = 4·ρ·cos² θ·V²·H·l
Or on a B = 2·l·cos θ,
d'où F =
2·ρ·cos θ·V²·H·B
L'aire de l'étrave est 1/2 B l
sin θ, et son
volume est 1/2 B H l sin θ
Le
volume total du navire est BH (L + 1/2 l sin θ) et son déplacement ρ g BH (L + 1/2 l
sin θ)
Le
rapport R entre RW et D est 2 ρ cos θ V² H
B / ρ g BH (L + 1/2 l
sin θ) = 2 cos θ V² / g
(L + 1/2 l
sin θ).
Dans
le cas d'une barge, θ
= 0, et R = 2 V² / g
L = 2 Fn²
= 2 C
• Ce
coefficient est voisin du double de celui calculé précédemment, car les
particules de fluide sont supposées rebondir (hypothèse
de la collision
élastique) et non être stoppées
au contact de
l'étrave.
Pour
l << L, 1/2 l sin θ
peut être
négligé, et avec une étrave "pincée" c'est à dire θ grand, cos θ est petit et le rapport R
peut
devenir inférieur à C = Fn²
On
peut enfin retrouver facilement le nombre de Froude par le
raisonnement rapide suivant (A nouveau, ce paragraphe n'est pas
essentiel à la compréhesion de la suite) :
En
une unité de temps (Δt = 1), une barge de largeur B et de tirant d'eau
H se
mouvant à une vitesse V va avancer d'une distance Δx
= V×Δt = V. Elle va communiquer
au volume d'eau devant
elle une vitesse V : ce volume est V×B×H, et sa masse
est ρ×V×B×H.
En une unité de temps, cette masse d'eau subira donc
une accélération V / Δt = V.
La force F requise est donc égale
à ρ×V² ×B×H.
Si la longueur de la barge est L, son
déplacement vaut ρ×g×B×H×L
Le
rapport R entre la force et le déplacement est donc ρ×V² ×B×H
/ ρ×g×B×H×L
= V²
/ g×L
= C
Quelques
exemples
Graphiquement,
on présente toujours le rapport résistance de
vague / déplacement (RW
/ D) en fonction du nombre de Froude.
Fig. 6 in Principles
of Yacht
Design, Larsson & Eliasson 2000 : Rw
est noté ici RR / g.m
• Pour
le yacht modèle de Larsson et
Eliasson, le graphique ci-dessus
donne le coefficient expérimental RW / D en fonction du
nombre de Froude. Ce coefficient vaut
par exemple 0,022 à Fn
= 0,4. (On remarquera que Fn2vaut
0,16, soit 7.2 fois plus que le coefficient mesuré expérimentalement).
Pour ce yacht d'environ 10 m à la flottaison et d'un
déplacement de 8
tonnes, la résistance de vague est donc d'environ 180 kilos (2,2% de
8000 kg) à 8 noeuds (Fn = 0.4).
C'est la vitesse de carène, celle à
laquelle la vague crée par le déplacement a pour longueur celle du
bateau (10 m). La force crée par le vent dans les voiles doit compenser
cette résistance (ainsi que celle du frottement de
la coque dans l'eau)
pour atteindre cette vitesse.
Les exemples qui suivent concernent les cargos.
Dans la littérature
technique, le coefficient de bloc
d'un
navire CB est employé pour caractériser la forme
générale d'un cargo. C'est le
rapport entre
le volume immergé et le
volume du parallélépipède L×B×H. Dans
notre dérivation
ci-dessus, CB
= 1.
NB : ne pas confondre CB
avec le
coefficient prismatique Cp (prismatic
coefficient),
qui est le rapport volume immergé / L×SB
(où SB est
la surface de la plus grande
'tranche' du navire
(perpendiculairement à la longueur) ou maître-couple)
•
Pour des nombres de Froude faibles, Fn2
est un très mauvais prédicteur de Rw /
D.
Des essais en bassin de carène (rapportés
par Paulet
& Presles 1998 p. 277) sur des barges mal profilées (CB de
0,83) donnent un rapport mesuré
RW /
D =
0,0007 à
un vitesse correspondant à Fn = 0,15,
alors que la valeur Fn2
vaut 0,0225, soit 32 fois plus.
• Une autre étude sur une coque de cargo ayant un CB de
0,85 donne un coefficient de 0,00084 à Fn
= 0,18, alors que Fn2
vaut 0,0324, 38 fois plus.
L'accord est un peu meilleur pour
des
vitesses plus grandes: à Fn = 0,21, RW
/ D = 0,002 et Fn2 vaut
0,0441, soit 22 fois plus.
•
Pour un navire de la série (ancienne) de Taylor caractérisé par L/B = 7
et B/H =
3,75 avec CB = 0,80, on a mesuré RW
/ D = 0,00518 à Fn = 0,24 : Fn2
vaut 0,0576,
soit 11 fois plus.
Fig 4 :
identique à la Fig 3, avec B/H = 3.0
et Cp = 0.70
•
Pour un cargo de la
série (plus récente) de Holtrop-Mennen caractérisé par L/B = 4 et
B/H = 2 avec CB = 0,60, on à RW
/ D = 0,021 à Fn = 0,40 :
Fn2
vaut 0,16, soit 7,6 fois plus. (On remarquera que le
yacht de
Larsson et Eliasson et ce
cargo ont le même le même rapport RW / D pour Fn
= 0,4 !)
• On peut montrer que pour Fn
> 0.45, RW / D tend vers V6
(j'avoue que je sais pas comment :-((( )
•
En conclusion, il est clair que les hypothèses simplistes ci-dessus
conduisent à surévaluer le rapport RW / D
d'un facteur 7 à 30 si on l'estime par V2
/ (L*g).
Il FAUT donc des mesures
expérimentales en bassin de
carène.
Ce
qui suit est une présentation plus moderne du nombre de Froude par
analyse dimensionelle. Mais l'application de l'analyse dimensionelle
suppose que l'on connaisse
(ou que l'on ait deviné!) les dimensions
pertinentes du problème. D'où l'intérêt (au moins pédagogique) des
présentations précédentes...
A nouveau, la lecture de ce paragraphe n'est pas
indispensable, mais
les remarques qui suivent cette présentations sont intéressantes.
Etablissement du
nombre de Froude par analyse dimensionnelle.
De
ces analyses préliminaires, on peut déduire que la
résistance totale R d'un navire est fonction d'une
dimension caractéristique de longueur L, de la vitesse V, de la densité
ρ
et de la
gravité g, d'où, dimensionnellement
R =
f [La Vb ρc
gd]
Dimensionnellement,
il est clair que les dimensions B et H utilisées ci-dessus sont (en
première approximation) des fonctions de L.
Comme,
en termes de
dimensions
R =
M L
/ T2
L = L
V = L / T
ρ = M / L3
g =
L / T2
on a
L1
= La Lb L-3c
Ld d'où 1 = a + b - 3c
+ d
M1
= Mc
d'où c = 1
T-2
= T-b T-2d
d'où
- 2 = -b - 2d c'est-à-dire b
= 2 - 2d
On
en
déduit 1 = a + 2 - 2d - 3 + d, c'est-à-dire a
= 2 + d
Dimensionnellement donc
R = f[L2+d
V2-2d
ρ gd] = f[L2
Ld V2 V-2d
ρ gd] = ρ V2 L2
f
(L g / V2) ou encore
R /
ρ V2 L2 = f
(L g / V2)
ce qu'on écrit souvent
(la facteur 1/2 par simple
analogie avec l'expression de l'énergie cinétique) R= (1/2) ρ V2 L2f
(L g / V2)
R
est donc une fonction (de
l'inverse du
carré) du nombre adimensionnel de Froude. Le rapportR
/ (1/2)
ρ V2 L2 = f
(L g / V2) est souvent appelé coefficient de
traînée Cd (drag coefficient) et présenté en fonction du
nombre de Froude. La
fonction f est inconnue et doit être établie expérimentalement Voici un exemple qui concerne une maquette à
l'échelle moitié d'un Dehler 33: Les cercles roses sont les résultats
expérimentaux en bassin de carène, les courbes étant les
prévisions établies par différents modèles
empiriques. L'intuition de Froude, sans faire appel, à l'analyse
dimensionnelle, a été de considérer la résistance totale comme
la somme de la résistance de friction (en rouge sur
la figure ci-dessous, proportionnelle à la quantité (1/2)
ρ V2 L2, qui a la dimension d'une force (M L T-2),
et de la résistance de vague RW
http://www.boatdesign.net/forums/attachments/hydrodynamics-aerodynamics/59629d1312838994-delft-series-resistance-equations-variety-dehler33.pdf
Est-il utile de déterminer l'équation de la fonction f à partir
des données expérimentales ? Non, ce n'est guère utile, et voici
pourquoi.
Il n'y a pas (à ma connaissance) de manière
théorique d'établir la fonction de
résistance de vague d'un navire dans le cas général (la théorie de Michell
ne s'applique
qu'à des formes de coque très fines, L/B > 6).
On
sait
simplement que c'est une fonction du nombre de Froude. Cela exige donc
d'établir
expérimentalement sur un modèle, en bassin de carène,
les valeurs de cette
résistance pour les vitesses pertinentes. La
fonction f
va donc être spécifique à un bateau particulier. Les travaux
expérimentaux de Delft
J.
Gerritsma et ses collaborateurs de l'Université de Technologie de Delft
aux Pays-Bas ont publié à partir de 1970 les résultats d'une
modélisation d'essais en bassin de
carène concernant la
résistance
de vague de yachts de formes différentes pour des nombres de Froude
variant de 0.125 à 0.450.
Les paramètres pertinents de cette
modélisation sont :
-
la longueur à la flottaison
L
-
le déplacement
D
- le
maître-bau à la flottaison
B
- le tirant d'eau de
la coque
Tc
-
le coefficient
prismatique
Cp
- la position longitudinale du centre de
flottaison LCB (en %, à partir du milieu du navire, positif vers
l'avant)
- g : l'accélération de la pesanteur
-
M : la masse du bateau
Une équation de
la forme
Rw / (g *M) = a0
+ a1 Cp + a2
LCB + a3 B / Tc + a4
L / D1/3 + a5 Cp2
+ a6 Cp L /
D1/3
+ a7 LCB2 + a8
(L
/ D1/3)2
+ a9 (L
/ D1/3)3
avec 10
coefficients numérique fonctions du nombre de Froude donne directement
la résistance de vague.
Par exemple, pour F= 0.350,ces
coefficients sont
Fn
a0
a1
a2
a3
a4 a5
a6
a7
a8
a9
(Larsson &
Eliasson 2000, p. 75; l'ensemble de ces données est disponible ici.
On peut bien sûr établir l'équation f
à partir de ce type de relations pour
un bateau particulier, mais il ne
s'agit là que d'un 'résumé' dérivé de valeurs numériques.
J'ai établi,
à
titre exemple, le graphe vitesse (en nds) / résistance de vague (en
kilos) pour le yacht modèle YD-40 de Larsson & Eliasson.
Selon mon analyse, la fonction f est
bien approximée par une équation de la forme Rw
= a (1 - e(-b*vitesse)), où a et b sont des
coefficients (-0.16275 et -0.895
dans cet exemple)
On
remarque de légers 'creux' et 'bosses' (vers 5 nds et 7 nds) dans les
valeurs expérimentales relativement à la
fonction, qui traduisent l'interaction avec le système de
vagues créé
par le déplacement (cf. http://www.finot.com/ecrits/vitessecoq/chap1/chap1.htm,
ou
http://www.nauticalweb.com/superyacht/490/tecnica/bottom.htm) Un peu
d'histoire : la 'loi (expérimentale) des comparaisons' de Froude
(vers 1870)
C'est
à partir d'un grand nombre d'expérimentations dans le premier bassin de
carène construit par lui que Froude (qui
prononçait son nom 'froud', comme
l'anglais 'root') a
établi sa 'loi (expérimentale)
des
comparaisons' vers 1870.
Avant de la donner, rappelons les relations suivantes Considérons
deux navires géométriquement semblables, l'un de longueur L1
et l'autre
de longueur L2.
Le rapport des
résistances de vague Rw1
/ Rw2 vaut ρ V12
L12 f
(L1
g / V12 )
/ ρ V22 L22
f
(L2 g / V22)
La
fonction f
est inconnue, mais si L1 g / V12
= L2 g / V22
c'est à dire si le
nombre de Froude est le même, f
aura la même
valeur
On aura donc dans ce cas Rw1 / Rw2
= ρ V12 L12
/ ρ V22 L22
Comme
L1 / V12
= L2 / V22
c'est-à-dire L1 / L2
= V12
/ V22 , le
rapport peut s'écrire (avec Δnotant le volume
immergé) Rw1
/ Rw2 = ρ L13 / ρ L23
= L13 / L23
= Δ1 / Δ2
Crucialement
donc, la relation de Rw1
/ Rw2 à L1 / L2 (ou Δ1 / Δ2)
est vraie si L1 / L2
= V12
/ V22
(ou bien sûr V1 / V2 =
√L1 / √L2 )
Voici comment Froude a exprimé sa 'loi des
comparaisons' en toutes lettres, sans formule...
Thewave-making
resistance of similar-shaped models varies as the cube of their
dimensions if their
speeds are as the square root of their dimensions
La
résistance de vague de modèles de forme similaire varie comme le cube
de leurs dimensions si les vitesses sont proportionnelles à la racine
carrée de leurs dimensions.
En
d'autres termes
If
the models are run at speeds proportional to the square root of their
length,
then the resistance would be proportional to their
immersed
volume
Si
les modèles sont tirés à des vitesses proportionnelles à la racine
carrée de la longueur, alors la résistance est proportionnelle à leurs
volumes immergés.
A
la place du nombre de Froude, les travaux anciens utilisent le rapport vitesse / longueur
(V/√L) (en anglais le 'speed-length
ratio')
qui n'est pas un nombre
adimensionnel.
Dans le système MKS, ce rapport est 3,13
(= √g) fois plus grand que le nombre de Froude (cf fig. 3).